Le burn-out parental

De nombreux parents souffrent d’épuisement. La psychologue Aliénor de Boccard explique comment reconnaître le burn-out parental et ce que l’on peut faire pour y remédier.

Est-ce que la problématique de l’épuisement parental est quelque chose de nouveau ? Pourquoi est-ce que l’on commence maintenant à en parler de plus en plus lorsque l’on aborde la parentalité ?

Effectivement, le sujet est depuis peu souvent mis sur le tapis. Et c’est une bonne chose selon moi car la prévention est indispensable, elle permet de prendre la souffrance à bras le corps, avant que les vrais ennuis commencent.
En fait, « épuisement » et « parentalité » ont toujours été deux réalités qui se tiennent la main, difficile de vivre une parentalité sans être, à un moment ou un autre, fatigué. Mais là on parle d’autre chose. On définit le burn-out parental comme un syndrome qui touche les parents exposés à un stress parental chronique en l’absence de ressources suffisantes pour compenser. Il y a donc deux choses auxquelles il faut être attentif : un stress parental qui est chronique, qui prend directement sa source dans le fait d’être parent ; et un manque de ressources amicales, familiales, conjugales ou matérielles. Cela a donc probablement toujours existé car depuis toujours les familles existent mais il est vrai que le rôle parental a beaucoup changé aujourd’hui.

Être parent au 21ème siècle ce n’est pas simple. Nous sommes déjà au centre de beaucoup de sources d’injonctions et de pressions : il faut allaiter, il faut être heureux, il faut avoir des enfants qui s’épanouissent à l’école, il faut que les enfants fassent des activités sportives et artistiques, il faut bien les faire manger, il faut soi-même être en forme et prendre soin de son corps, se débrouiller pour réussir sa carrière etc… Ces pressions étaient moindres auparavant car la société n’avait pas érigé en principe absolu de droit l’intérêt supérieur de l’enfant. La Convention des droits de l’enfant a été introduite en 1989. De plus, la société a changé, les relais de ces injonctions, bonnes dans le fond, sont omniprésents, notamment sur les réseaux sociaux. Nous vivons également dans des sociétés plus éclatées, moins centrées sur la famille et les communautés mais plus individualistes. Nous sommes donc tous plus isolés dans notre parentalité.

Et du coup, cette pression constante sur le fait d’être « de bons parents » et cet isolement sont à la source du burn-out parental ?

Alors, il est important de bien souligner que chaque personne a sa propre histoire, sa propre souffrance et son propre burn-out. Il est donc impossible d’appliquer une formule magique, ni pour expliquer, ni pour résoudre l’épuisement parental. Cependant, ce sont deux grandes lignes que l’on retrouve souvent chez les patients souffrants de burn-out parental.

Pourriez-vous nous expliquer quels sont les symptômes du burn-out parental ? Qu’est-ce qui différencie un parent fatigué d’un parent en burn-out parental ?

Un parent en burn-out est avant tout épuisé. Il se sent vidé, au bout du rouleau. Cette immense fatigue peut se manifester au niveau émotionnel, il va alors avoir le sentiment de ne plus en pouvoir ; au niveau cognitif, il va avoir l’impression de ne pas être à 100% de ses capacités, avec des oublis fréquents par exemple ; et au niveau physique évidemment.
Ce qui va différencier un parent très fatigué d’un parent en burn-out c’est plutôt le fait qu’il va également perdre tout plaisir dans son rôle de parent. La seule idée de devoir s’occuper de ses enfants va éveiller chez lui un sentiment de sacrifice, comme un « trop plein », une saturation. La source de stress est vraiment la parentalité. Donc, ce qui va en découler c’est une distance d’avec les enfants : le parent va s’éloigner de la source de son stress car il n’a plus d’énergie pour s’investir dans la relation ou plus autant qu’avant. Et souvent, le parent va prendre conscience qu’il n’est plus le parent qu’il était avant, qu’il n’est pas le parent qu’il aurait voulu être. C’est en général autrui, un conjoint, un ami ou un parent qui lui renvoie ce changement et c’est ce qu’il y a de plus douloureux. C’est vraiment vécu comme quelque chose de honteux.

Malgré cette souffrance, des patients poussent la porte de votre cabinet. Comment cela se passe-t-il ? Avez-vous des solutions pour guérir d’un burn-out parental ?

Oui, certains patients poussent la porte de mon cabinet car ils ne peuvent plus vivre ainsi. Le burn-out parental a parfois de graves conséquences sur une vie. Au niveau personnel, ce syndrome augmente vraiment les troubles du sommeil, réveille ou installe des addictions, des envies de fuite, et parfois même des idées suicidaires. De plus, cela vient mettre la zizanie dans les couples et dans les familles. Les enfants sont parfois les victimes de comportements de négligences ou de violences, souvent verbales, parfois physiques.
Il est indispensable de faire un bon diagnostic et de mettre en place une prise en charge complète et efficace. Vraiment, il est difficile voir impossible de s’en sortir seul sans laisser une fragilité profonde s’installer. En général, je propose toujours avant toute chose d’effectuer un bilan de santé chez son médecin généraliste pour ne pas passer à côté d’une cause purement physique. Ensuite, un suivi individuel est mis en place pour justement travailler sur son équilibre parental. Par le biais d’outils, nous travaillons ensemble sur la réalité de la vie de la personne, ce qui est possible d’enlever, d’ajuster, de compenser, bref de remettre en perspective tout ce qui lui coûte et tout ce qui la nourrit dans sa parentalité. Petit à petit des changements sont mis en place pour que la parentalité retrouve toute sa saveur et que le parent retrouve du plaisir et de l’énergie dans son rôle. Je propose également des rencontres de groupe, car il est bon de se rendre compte que l’on n’est pas seul à vivre cela ; et puis cela engendre une dynamique très positive ou chacun peut amener ses idées.
L’idée vraiment à retenir est que l’on peut être un parent imparfait sans un être un mauvais parent pour autant !

 

Aliénor de Boccard, Psychologue FSP à Vevey, s’est spécialisée dans la problématique du burn-out, professionel et parental. https://alienordeboccard.com, alienor@lecentrecoaching.ch, 076 235 01 24

Pour savoir si cela vous concerne :
https://www.burnoutparental.com/suis-je-en-burnout